La cire perdue
D’abord, je te modèlerai à ma guise. Je chaufferai de la cire entre mes paumes pour en faire ton visage. Ton visage à température humaine. Ta peau, malléable, crédible.
Puis je t’étoufferai sous la terre. Ton visage, je le recouvrirai minutieusement. Il se perdra en négatif, prisonnier de l’argile, immobilisé au sein de la terre réfractaire.
Ensuite viendra la chaleur, qui t’anéantira. Tes joues chaufferont. Ton teint de cire coulera, comme le mascara d’une femme qui pleure. Tu te videras de ta substance molle, ton sourire se liquéfiera, se tordra sous la brûlure. Tout glissera. Ne demeurera que la terre (comme toujours), en creux. Planté de piques, partout transpercé, tu ne seras que béquilles. Ton âme, évaporée. Ton vide sera complet.
Je coulerai alors en bronze ton visage : ta deuxième brûlure. Ta substance vraie s’infiltrera brûlante dans tes interstices, entérinera tous tes défauts. Ton front et tes paupières, tes larmes en bas-relief, ne seront que métal en fusion.
Puis nous te laisserons seul une nuit durant, pour laisser la tempête retirer sa furie. Le rouge passer au noir. Le magma bouillonnant devenir son propre inverse. Quand le bronze dur et sonnant aura pris ses fonctions, alors pour exister tu devras passer à tabac. Je frapperai ta carapace avec force et précision jusqu’à ce qu’elle se fende et s’ouvre, je martèlerai la terre sèche et brûlée de ton corset, au point de la réduire en fragments de poussière condamnés au rebut.
Presqu’à la fin, je scierai tes prothèses. Des roues d’étincelles dorées te libèreront de ton carcan. Il ne faudra pas alors commettre d’erreur, et distinguer, dans cet amas de ferraille, ce qui est toi et ce qui relève de ton échafaudage constitutif.
Au terme de cet ingrat labeur, enfin je polirai ta peau, je gommerai tes défauts. Ma caresse vigoureuse ennoblira le bronze, élèvera ton être. Je me dévouerai entièrement à la surface de ton corps et tu resplendiras entre mes mains. Les poils de mon pinceau, l’extrémité de mon ciseau, la flammèche de mes outils, tu auras tout subi. L’oxydation de ta patine, même, je l’aurai contrôlée. Un jour je te finirai.
A cera perdida
Primeiro, vou modelar-te a meu gosto. Aquecerei cera entre as palmas das minhas mãos para fazer o teu rosto. A tua cara à temperatura humana. A tua pele, maleável, credível.
Depois sufocar-te-ei debaixo da terra. O teu rosto, cobri-lo-ei minuciosamente. Perder-se-á em negativo, prisioneiro da argila, imobilizado no seio da terra refratária.
Depois virá o calor, que te consumirá. As tuas bochechas aquecerão. A tua pele de cera correrá como o rímel de uma mulher a chorar. Esvaziar-te-ás da tua substância mole, o teu sorriso derreterá, contorcer-se-á sob a queimadura. Tudo escorrerá. Só permanecerá a terra (como sempre), em buraco. Espetado, trespassado por todos os lados, serás apenas um suporte. A tua alma, evaporada. O teu vazio será completo.
Derramarei então em bronze o teu rosto : a tua segunda queimadura. A tua substância verdadeira infiltrar-se-á escaldante nos teus interstícios, homologará todos os teus defeitos. A tua testa e as tuas pálpebras, as tuas lágrimas em baixo-relevo, serão apenas metal fundido.
Então deixar-te-emos sozinho por uma noite, para deixar a tempestade retirar a sua fúria. O vermelho passar a preto. O magma borbulhante tornar-se o seu próprio inverso. Quando o bronze duro e sonante tiver assumido o seu cargo, então para existires terás de levar porrada. Esmurrarei a tua carapaça com força e precisão até que ela se rache e se abra, atacarei a terra seca e queimada do teu corpete, ao ponto de a reduzir a fragmentos de pó condenados à dispersão.
Quase no fim, cortarei as tuas próteses. Rodas de centelhas douradas libertar-te-ão do teu jugo. Não será necessário então cometer erros, e distinguir, neste monte de sucata, este quem és tu e o que pertence ao teu andaime constitutivo.
No final deste ingrato labor, finalmente polirei a tua pele, eu vou apagarei os teus defeitos. A minha carícia vigorosa enobrecerá o bronze, elevará o teu ser. Dedicar-me-ei inteiramente à superfície do teu corpo e tu brilharás nas minhas mãos. Os pelos do meu pincel, a ponta do meu cinzel, o incêndio das minhas ferramentas, terás sofrido tudo. A oxidação da sua patina, mesmo, tê-la-ei controlada. Um dia acabar-te-ei.
D’abord, je te modèlerai à ma guise. Je chaufferai de la cire entre mes paumes pour en faire ton visage. Ton visage à température humaine. Ta peau, malléable, crédible.
Puis je t’étoufferai sous la terre. Ton visage, je le recouvrirai minutieusement. Il se perdra en négatif, prisonnier de l’argile, immobilisé au sein de la terre réfractaire.
Ensuite viendra la chaleur, qui t’anéantira. Tes joues chaufferont. Ton teint de cire coulera, comme le mascara d’une femme qui pleure. Tu te videras de ta substance molle, ton sourire se liquéfiera, se tordra sous la brûlure. Tout glissera. Ne demeurera que la terre (comme toujours), en creux. Planté de piques, partout transpercé, tu ne seras que béquilles. Ton âme, évaporée. Ton vide sera complet.
Je coulerai alors en bronze ton visage : ta deuxième brûlure. Ta substance vraie s’infiltrera brûlante dans tes interstices, entérinera tous tes défauts. Ton front et tes paupières, tes larmes en bas-relief, ne seront que métal en fusion.
Puis nous te laisserons seul une nuit durant, pour laisser la tempête retirer sa furie. Le rouge passer au noir. Le magma bouillonnant devenir son propre inverse. Quand le bronze dur et sonnant aura pris ses fonctions, alors pour exister tu devras passer à tabac. Je frapperai ta carapace avec force et précision jusqu’à ce qu’elle se fende et s’ouvre, je martèlerai la terre sèche et brûlée de ton corset, au point de la réduire en fragments de poussière condamnés au rebut.
Presqu’à la fin, je scierai tes prothèses. Des roues d’étincelles dorées te libèreront de ton carcan. Il ne faudra pas alors commettre d’erreur, et distinguer, dans cet amas de ferraille, ce qui est toi et ce qui relève de ton échafaudage constitutif.
Au terme de cet ingrat labeur, enfin je polirai ta peau, je gommerai tes défauts. Ma caresse vigoureuse ennoblira le bronze, élèvera ton être. Je me dévouerai entièrement à la surface de ton corps et tu resplendiras entre mes mains. Les poils de mon pinceau, l’extrémité de mon ciseau, la flammèche de mes outils, tu auras tout subi. L’oxydation de ta patine, même, je l’aurai contrôlée. Un jour je te finirai.
A cera perdida
Primeiro, vou modelar-te a meu gosto. Aquecerei cera entre as palmas das minhas mãos para fazer o teu rosto. A tua cara à temperatura humana. A tua pele, maleável, credível.
Depois sufocar-te-ei debaixo da terra. O teu rosto, cobri-lo-ei minuciosamente. Perder-se-á em negativo, prisioneiro da argila, imobilizado no seio da terra refratária.
Depois virá o calor, que te consumirá. As tuas bochechas aquecerão. A tua pele de cera correrá como o rímel de uma mulher a chorar. Esvaziar-te-ás da tua substância mole, o teu sorriso derreterá, contorcer-se-á sob a queimadura. Tudo escorrerá. Só permanecerá a terra (como sempre), em buraco. Espetado, trespassado por todos os lados, serás apenas um suporte. A tua alma, evaporada. O teu vazio será completo.
Derramarei então em bronze o teu rosto : a tua segunda queimadura. A tua substância verdadeira infiltrar-se-á escaldante nos teus interstícios, homologará todos os teus defeitos. A tua testa e as tuas pálpebras, as tuas lágrimas em baixo-relevo, serão apenas metal fundido.
Então deixar-te-emos sozinho por uma noite, para deixar a tempestade retirar a sua fúria. O vermelho passar a preto. O magma borbulhante tornar-se o seu próprio inverso. Quando o bronze duro e sonante tiver assumido o seu cargo, então para existires terás de levar porrada. Esmurrarei a tua carapaça com força e precisão até que ela se rache e se abra, atacarei a terra seca e queimada do teu corpete, ao ponto de a reduzir a fragmentos de pó condenados à dispersão.
Quase no fim, cortarei as tuas próteses. Rodas de centelhas douradas libertar-te-ão do teu jugo. Não será necessário então cometer erros, e distinguir, neste monte de sucata, este quem és tu e o que pertence ao teu andaime constitutivo.
No final deste ingrato labor, finalmente polirei a tua pele, eu vou apagarei os teus defeitos. A minha carícia vigorosa enobrecerá o bronze, elevará o teu ser. Dedicar-me-ei inteiramente à superfície do teu corpo e tu brilharás nas minhas mãos. Os pelos do meu pincel, a ponta do meu cinzel, o incêndio das minhas ferramentas, terás sofrido tudo. A oxidação da sua patina, mesmo, tê-la-ei controlada. Um dia acabar-te-ei.
Du mal avec la terre
On a du mal à sonder la profondeur de la terre, la densité de l’humus fragile, friable comme nos vies, malmené comme nos âmes.
On a du mal à décrire la couleur de la terre, rouge, exsangue, riche, brillante, d’argile ou de bruyère, serrée entre mer et désert, parcourue de racines, comme le temps qui nous enveloppe et nous dévaste.
On hésite à prendre la terre à pleine mains, nos ongles saillants comme un râteau mou, comme une fourche chaude. Nos gants nous font croire à la terre propre, à une hygiène étrange. Sa souillure a du mal à nous atteindre.
La terre nous recouvre, mais on a du mal à l’accepter. Nous vivons sous la terre, creusons son corps à grands coups mécaniques. La terre chaude annule le soleil et produit le tout-blanc, le lisse aveuglé, les animaux défendus des cauchemars blafards.
Le terrain de nos vies est l’espace d’une terre / notre terre dans l’espace. On atterrit toujours d’un vol dispendieux, avide de retrouver la terre à tout prix.
On s’en prend à la terre, puis on l’achète, en terreau, en terroir, en terrain. On a du mal avec nos pieds fichés dans la terre sale, nos sabots crottés de sale terre. On la troue, on la tue, on s’y traîne, on la draine, on la drague. On vomit du terril.
Fi de l’horizon ! Imaginons le temps filant de bas en haut, surgissant de la terre profonde, où l’arbre est l’avenir. Nous foulons le présent en chaussures, sans laisser la boue s’infiltrer entre nos doigts de pieds.
On a du mal à sonder la profondeur de la terre, la densité de l’humus fragile, friable comme nos vies, malmené comme nos âmes.
On a du mal à décrire la couleur de la terre, rouge, exsangue, riche, brillante, d’argile ou de bruyère, serrée entre mer et désert, parcourue de racines, comme le temps qui nous enveloppe et nous dévaste.
On hésite à prendre la terre à pleine mains, nos ongles saillants comme un râteau mou, comme une fourche chaude. Nos gants nous font croire à la terre propre, à une hygiène étrange. Sa souillure a du mal à nous atteindre.
La terre nous recouvre, mais on a du mal à l’accepter. Nous vivons sous la terre, creusons son corps à grands coups mécaniques. La terre chaude annule le soleil et produit le tout-blanc, le lisse aveuglé, les animaux défendus des cauchemars blafards.
Le terrain de nos vies est l’espace d’une terre / notre terre dans l’espace. On atterrit toujours d’un vol dispendieux, avide de retrouver la terre à tout prix.
On s’en prend à la terre, puis on l’achète, en terreau, en terroir, en terrain. On a du mal avec nos pieds fichés dans la terre sale, nos sabots crottés de sale terre. On la troue, on la tue, on s’y traîne, on la draine, on la drague. On vomit du terril.
Fi de l’horizon ! Imaginons le temps filant de bas en haut, surgissant de la terre profonde, où l’arbre est l’avenir. Nous foulons le présent en chaussures, sans laisser la boue s’infiltrer entre nos doigts de pieds.
Enfrentamento com a terra
Temos dificuldade em sondar a profundidade da terra, a densidade do húmus frágil, friável como as nossas vidas, maltratado como as nossas almas.
Temos dificuldade em descrever a cor da terra, vermelha, exangue, rica, brilhante, argila ou de urze, apertada entre o mar e o deserto, percorrida por raízes, como o tempo que nos envolve e nos devasta.
Hesitamos em agarrar a terra com as mãos cheias, as nossas unhas salientes como um ancinho macio, como um garfo quente. As nossas luvas fazem-nos acreditar numa terra limpa, numa higiene estranha. A sua imundície tem dificuldade em chegar até nós.
A terra cobre-nos, mas temos dificuldade em aceitar isso. Vivemos debaixo da terra, escavamos o seu corpo com grandes golpes mecânicos. A terra quente anula o sol e produz o branco, o liso cegado, os animais defendidos dos pesadelos pálidos.
O terreno das nossas vidas é o espaço de uma terra / a nossa terra no espaço. Aterramos sempre num voo dispendioso, ávidos por encontrar a terra a qualquer custo.
Atacamos a terra, e depois compramo-la, em terra, em eira, em terreno. Temos problemas com os nossos pés marcados na terra suja, os nossos tamancos enfiados na terra suja. Nós matamo-la, arrastamo-nos nela, drenamo-la, dragamo-la. Vomitamos o aterro.
Fio do horizonte! Imaginemos o tempo disparado de baixo para cima, surgindo da terra profunda, onde a árvore é o futuro. Pisamos o presente em sapatos, sem deixar que a lama se infiltre entre os dedos dos pés.
Temos dificuldade em sondar a profundidade da terra, a densidade do húmus frágil, friável como as nossas vidas, maltratado como as nossas almas.
Temos dificuldade em descrever a cor da terra, vermelha, exangue, rica, brilhante, argila ou de urze, apertada entre o mar e o deserto, percorrida por raízes, como o tempo que nos envolve e nos devasta.
Hesitamos em agarrar a terra com as mãos cheias, as nossas unhas salientes como um ancinho macio, como um garfo quente. As nossas luvas fazem-nos acreditar numa terra limpa, numa higiene estranha. A sua imundície tem dificuldade em chegar até nós.
A terra cobre-nos, mas temos dificuldade em aceitar isso. Vivemos debaixo da terra, escavamos o seu corpo com grandes golpes mecânicos. A terra quente anula o sol e produz o branco, o liso cegado, os animais defendidos dos pesadelos pálidos.
O terreno das nossas vidas é o espaço de uma terra / a nossa terra no espaço. Aterramos sempre num voo dispendioso, ávidos por encontrar a terra a qualquer custo.
Atacamos a terra, e depois compramo-la, em terra, em eira, em terreno. Temos problemas com os nossos pés marcados na terra suja, os nossos tamancos enfiados na terra suja. Nós matamo-la, arrastamo-nos nela, drenamo-la, dragamo-la. Vomitamos o aterro.
Fio do horizonte! Imaginemos o tempo disparado de baixo para cima, surgindo da terra profunda, onde a árvore é o futuro. Pisamos o presente em sapatos, sem deixar que a lama se infiltre entre os dedos dos pés.